Les Communistes : Aragon a publié pour la première fois ce gros roman historique entre 1949 et 1951, avant de le réécrire de fond en comble en 1966. Avec un titre pareil en pleine guerre froide, il prenait le risque de ne toucher qu’une partie de son lectorat potentiel. Porté aux nues par la presse communiste, ce roman à thèse ne réussit qu’imparfaitement à convaincre les lecteurs de l’autre bord politique. C’est que sa réception s’insérait dans un contexte de crispation politique, surdéterminé par les batailles idéologiques du PCF : le roman, comme les arts, était devenu une arme au service d’une cause politique. « Les Communistes » renvoya aux militants une image souvent flatteuse d’eux-mêmes. Cet effet de miroir est sensible dans les lectures et les lecteurs fictifs : ces personnages lisant sont étonnamment proches de leurs modèles, les militants réels, et l’identification a joué à plein. L’étude de ces lectures fictives permet aussi de comprendre l’ancrage historique et politique des Communistes dans la période 1939-1940, au travers des discours puisés dans les journaux et l’opinion publique de l’époque… Au carrefour de l’histoire littéraire, de l’histoire et de la sémiologie, cet essai rappelle ainsi la richesse polyphonique de ce roman injustement méconnu.