Étienne Balibar examine trois grandes questions, dont chacune exige un effort de pensée spécifique : celle des frontières de l'Europe en tant qu'espace politique ; celle de l'État ; celle du peuple.
Faisant suite au volume paru en 1992,Les frontières de la démocratie, ce recueil d'essais poursuit la tentative de " penser autrement ", dans la conjoncture et même dans l'événement, les problèmes fondamentaux : citoyenneté et nationalité, politique des droits de l'homme, civilité, dont les termes mêmes ont été bouleversés par l'effondrement des cadres politiques du XXe siècle. Mais il resserre les interrogations autour d'un enjeu principal, désormais incontournable : l'avenir incertain de la construction européenne. La formation de cet espace politique nouveau, sans précédent historique véritable, est en effet l'occasion d'une renaissance de la figure du " citoyen ", par-delà le déclin des institutions qui l'ont portée et qu'elle a contribué à légitimer : la Cité, l'empire, l'État-nation et l'État national social. Étienne Balibar examine ainsi trois grandes questions, dont chacune exige un effort de pensée spécifique : celle des frontières de l'Europe en tant qu'espace politique, qui commande toute réflexion sur l'identité collective et les identités communautaires, et que surdétermine de plus en plus la nouvelle économie de la violence mondiale ; celle de l'État, pôle de concentration du pouvoir et d'attribution de la souveraineté, mais aussi appareil administratif où s'affrontent les logiques du service public et du contrôle des populations ; celle du peuple, enfin, dont il est urgent de faire " quelque chose " - selon le mot d'ordre de 1789 - en combinant à l'échelle transnationale la lutte contre l'exclusion (notamment celle des immigrés), la conquête des pouvoirs ou des contre-pouvoirs et l'apprentissage de leur exercice. Ce sont ces questions qui donnent un contenu à la notion d'une " Constitution " européenne, qui devra être arrachée au formalisme juridique et moral et replacée sur le terrain politique. Nouveau nom du politique, nouvel enjeu de ses conflits fondamentaux, l'Europe sera plus démocratique que l'État-nation, ou elle ne sera pas.